La médiatisation grand public de la médecine, une bonne chose ? Part-4

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#media #covid19 #medecine #discord #confinement
Par Gérald Chanques,

Professeur des Universités

Au quotidien dans les situations les plus complexes, les médecins s’appuient avec les autres soignants, le patient et ses proches, sur les 4 piliers fondamentaux de l’éthique. Ces principes aident à guider la réflexion avec méthode.

Quels sont ces 4 piliers ?

  1. Le principe de bienfaisance (Est-ce que notre intention est réellement de faire le bien d’autrui ? ou de paraître dans les médias ? ou d’être le premier à publier dans un grand journal médical à tout prix y compris celui de l’exactitude des données ?)
  2. le principe de non malfaisance (C’est le célèbre « primum non nocere » d’Hippocrate, qui consiste à évaluer les risques inhérent à notre décision)
  3. l’autonomie de choix du patient
  4. son corollaire, le principe d’équité et de justice sociale (Celui-ci inclut l’accessibilité des soins au plus grand nombre, ainsi que leur coût au regard des autres dépenses nécessaires).

Cette réflexion structurée où tout est pesé a semblé manquer dans les débats, alors qu’elle est menée au quotidien. Elle caractérise le médecin face à la décision dans une situation courante d’incertitude qui est souvent la norme en médecine, notamment en médecine de soins critiques (la réanimation) : Quel est le risque de porter un masque pour rien? De ne pas en porter? Quel est le risque d’administrer tel médicament, ou pas, chez tel patient donné, avec tel état de santé?

Néanmoins, en tant qu’anesthésiste-réanimateur, j’ai apprécié que ma spécialité soit (enfin) médiatisée.

Un peu par ego : je ne suis jamais parvenu à expliquer à ma famille le métier que je faisais. Plutôt spécialisé en réanimation, mes proches ont toujours cru que j’étais un piètre anesthésiste, préférant réveiller les patients plutôt que de les endormir. Mon ami d’enfance s’est même étonné au début de la crise que je sois impliqué en tant qu’anesthésiste (réanimateur, donc « spécialiste du réveil » de surcroît).

L’effort médiatique des journalistes et des experts médecins invités a permis d’expliquer ce qu’était la réanimation. C’est certainement quelque chose de positif pour le grand public, voire pour les confrères non réanimateurs.

Pendant la crise, il a été expliqué ce qu’était un respirateur, une sédation (coma artificiel), et la problématique pour le patient, une fois « intubé/ventilé/et sédaté », d’être séparé du respirateur. Plus le patient est artificiellement sédaté, plus il reste dépendant du respirateur et plus il risque de développer une faiblesse musculaire majeure, source de difficultés de réhabilitation et de séjour prolongé à l’hôpital.

Ces éléments d’information sont importants même en dehors du Covid. En effet, les familles découvrent souvent ce qu’est la réanimation, une fois leur proche hospitalisé dans un tel service. Le choc est toujours violent. Or, les familles incitent souvent au transfert de leur proche en réanimation « pour lui donner toutes ses chances », sans en connaître l’intensité de prise en charge, potentiellement source de souffrance, voir de séquelles.

Ces séquelles peuvent être

  • physiques (faiblesse, fatigabilité)
  • psychiques (syndromes anxiodépressifs, syndrome de stress post-traumatique à type de cauchemars, malaises, souvenirs délirants, insomnie…).

Mieux connaître la réanimation est indispensable pour ne pas créer de souffrances futiles et décider en toute connaissance de cause (cf. les « directives anticipées » inscrites dans la loi).

La médiatisation est donc utile, pour informer le public. Mais dans quel cadre ? Suite et fin au prochain numéro…

Gérald Chanques

Professeur des Universités

Praticien Hospitalier (Anesthésie-Réanimation) au Département d'Anesthésie Réanimation de l'Hôpital Saint Eloi (CHU Montpellier), dans l'Unité de recherche : PhyMedExp,INSERM, CNRS, Université de Montpellier. Il est également secrétaire général et porte-parole du Comité d'organisation des 800 ans de la Faculté de Médecine de Montpellier (1220-2020)

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