La médiatisation grand public de la médecine, une bonne chose ? Part-3

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#media #covid19 #medecine #discord #confinement
Par Gérald Chanques,

Professeur des Universités

Dans les deux précédentes tribunes du 16 juillet et du 30 juillet, le professeur Gérald Chanques s’interrogeait sur la présence des médecins dans les medias. La crise sanitaire a révélé en direct au public les tâtonnements et les débats du monde médical et scientifique. Médias et médecins sont-ils compatibles ? 

 

« La place des médecins est légitime dans une telle situation où les citoyens ont le droit d’être informés. L’exercice est néanmoins difficile pour les médecins qui sont tenus par serment au code de déontologie médicale. Selon la loi : « Lorsque le médecin participe à une action d’information du public de caractère éducatif et sanitaire, quel qu’en soit le moyen de diffusion, il doit ne faire état que de données confirmées, faire preuve de prudence et avoir le souci des répercussions de ses propos auprès du public (Article R4127-13 du code de santé publique) ».

 

Prudence

Le problème est que même au 21ème Siècle, une pandémie à un nouveau micro-organisme qui n’existe que depuis 2 mois comporte plus de questions que de réponses. C’est pourquoi la majorité des médecins invités ne cessaient de répondre : « on ne sait pas, on ne peut pas savoir ». Or, il n’est pas possible pour une émission de télévision de tenir une heure entière avec ce type de réponse.

L’art des journalistes sera d’amener à faire déclarer quelque chose, même si c’est de l’ordre de l’intuition. On apprécie davantage cet art lorsque les journalistes « torturent » des personnalités politiques pour les faire répondre sincèrement.

La différence avec les politiques est que les médecins et les scientifiques ne sont pas formés aux interviews grand public. Il arrive parfois qu’en faisant l’effort de simplifier pour être compréhensible de tous, on se surprenne à s’écouter déclarer des choses qui nous échappent.

La crise du Covid-19 a montré aux médecins l’importance de se préparer un minimum à cet exercice délicat. Il pourrait par exemple leur être recommandé d’utiliser systématiquement le conditionnel, des verbes comme suggérer, proposer, sembler…, et de toujours faire le choix de la prudence (primum non nocere…). 

 

Lecture critique

Ce dernier point a été le grand absent de la réflexion. La médecine, bien qu’enseignée depuis 800 ans à l’Université comme on l’entend aujourd’hui, n’a pas vocation à être définitivement exacte. Depuis le moyen âge et la Renaissance est enseignée la « dispute » : l’analyse critique des textes établis.

Aujourd’hui le concours de l’internat comprend une demi-journée consacrée à la « lecture critique d’articles » médicaux où méthodes, résultats et rédaction sont critiqués avec rigueur.

En pratique au quotidien, ce qui caractérise la médecine, c’est toujours la plus ou moins grande incertitude de la situation et la nécessité de décider malgré cette relative incertitude (on n’est jamais sûr à 100%, qu’il s’agisse d’une simple angine, ou d’une infection virale nouvelle qui n’a pas encore 2 mois d’existence). »

 

Comment concilier incertitude et prise de décision ? La suite au prochain numéro…

Gérald Chanques

Professeur des Universités

Praticien Hospitalier (Anesthésie-Réanimation) au Département d'Anesthésie Réanimation de l'Hôpital Saint Eloi (CHU Montpellier), dans l'Unité de recherche : PhyMedExp,INSERM, CNRS, Université de Montpellier. Il est également secrétaire général et porte-parole du Comité d'organisation des 800 ans de la Faculté de Médecine de Montpellier (1220-2020)

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