Valeurs, vision, mission, raison d’être, est-ce vraiment une raison… ?

boussolle
Caroline Fabre-Rousseau

Conceptrice-rédactrice

Vision, valeurs, mission, éthique, RSE (2001), devoir de vigilance (année 2017),  loi Pacte (2019), raison d’être… vont tous dans une même direction : les entreprises ont une responsabilité sociale qui va au-delà de leur objet social (faire du profit). Elles doivent également faire sens. La crise du Covid, qui a balayé bon nombre de certitudes a remis sur le devant de la scène cette fameuse raison d’être. Boussole pour les uns, sujet à la mode pour les autres, elle agite les agences de communication et alimente les réflexions stratégiques, à tort ou à raison…. Alors, la raison d’être, concept ou gadget ?

Être ou ne pas être

Si l’on se réfère à la définition philosophique, la raison d’être est le désir qui pousse à agir pour développer toutes ses potentialités. Sans raison d’être, à quoi bon vivre, à quoi bon être ? C’est la question célèbre de Hamlet qui se demande s’il ne vaudrait pas mieux se suicider que continuer à vivre dans un monde absurde, où le beau-père a tué le père avec la complicité de la mère.

Dans ce sens, la raison d’être peut être très utile à l’entreprise. Énoncer ce qui est le moteur  permet de

  • motiver les troupes,
  • donner un cap,
  • intéresser le public et les consommateurs.

Elle rejoint le concept de mission, permet de se différencier, est suffisamment large pour s’adapter à toutes les crises, obstacles, changements, oblige à innover. Ainsi le « aider les hommes et les femmes à manger mieux chaque jour » de Fleury Michon, mis à l’épreuve de la crise des lasagnes à la viande de cheval, a été un formidable levier d’action et de communication, mobilisant les équipes et rassurant les consommateurs. La crise du Covid quant à elle, a renforcé les attentes de l’opinion publique au point de vue environnemental : les entreprises agro-alimentaires qui agissent concrètement en ce sens marquent des points.

La raison d’être d’une entreprise souligne la responsabilité qu’elle exerce au sein de la société. Réfléchir à la raison d’être, c’est réfléchir à la finalité de l’entreprise et définir en quoi le monde serait différent sans elle.

Un garde-fou

La loi Pacte permet aux entreprises d’inscrire leur raison d’être, une fois trouvée, dans leurs statuts. Mais à l’énonciation doit succéder l’action, de peur d’obtenir l’effet inverse du résultat escompté :

  • authenticité
  • transparence
  • respectabilité

 risquent de se transformer en

  • hypocrisie,
  • mensonge

Il n’y a qu’à voir les effets du scandale Oxfam (abus sexuels commis en Haïti en 2010 et révélés en 2019) : la vertueuse ONG britannique ne s’en est jamais remise et a récemment licencié un tiers de son personnel.

La  RSE, quant à elle, figure parmi les critères des entreprises de notation : respect de l’environnement, respect de la parité, prise en compte du handicap, etc… Et le non respect de ces facteurs entraîne des sanctions.

Un exercice

On comprend donc pourquoi les entreprises travaillent activement à définir cette fameuse raison d’être, qui pour être inscrite dans les statuts doit être approuvée par les 2/3 des actionnaires.

L’exercice suppose consultations internes et externes, ateliers de « parties prenantes », mobilisation du comité exécutif, convocation d’une AG. Il faut trouver la phrase magique résumant les valeurs. Ainsi celle de Véolia : « Ressourcer le monde ». Une formule qui a nécessité des journées de travail. Tout ça pour ça ?

On peut  se demander si cet exercice hautement recommandé et très à la mode actuellement est vraiment indispensable à l’entreprise. Une raison d’être est-elle suffisante pour mobiliser toutes les parties prenantes ? Est-elle si magique que ça ? De quoi a véritablement besoin une entreprise pour exister et être utile à la société ? La suite dans un prochain article…

Cet article fait écho à La Tribune libre de Dominique Seau

Pour aller plus loin :

Une vidéo de l’agence BABEL :  raison d’être

Un podcast de l’ADN le Studio : rempart à la crise

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