Opinion – Scoop toujours, tu m’intéresses…

groupe de journaliste pendant une conference de presse cherchant le scoop

© Camille Jimenez Unsplash

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Par Guillaume MOLLARET,

journaliste indépendant

Les journalistes ne sont donc pas les seuls à courir après un scoop. Depuis quelques semaines, le grand public a appris que certains médecins sont prêts à tout pour voir publier le fruit de leur recherche.

Courant mai, une publication dans la prestigieuse revue The Lancet a, du jour au lendemain, fait changer des politiques sanitaires dans de nombreux pays, dont la France, et entraîné la suspension du plus grand essai clinique sur la Covid-19 par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Or, quelques jours plus tard, d’autres chercheurs ont remis en cause les résultats de cette étude dont il s’avère qu’elle est basée sur des données erronées voire… inventées. Un scandale dans le monde feutré de l’édition scientifique. Procédure très rare, The Lancet a retiré la publication. Une initiative salutaire qui, toutefois, jette le doute sur l’ensemble des revues scientifiques.

 

Vérité d'aujourd'hui n'est pas celle de demain

En soi, la recherche du scoop –autrement dit d’une information originale digne d’intérêt publique- n’est pas un péché. Elle fait le sel du métier de journaliste. Pour autant, la publication des éléments constituant ce scoop ne peut s’affranchir de quelques règles élémentaires telles que l’honnêteté intellectuelle et la bonne foi. Je ne suis pas chercheur, mais j’imagine qu’il en est de même dans le domaine médical. C’est ainsi qu’il est acceptable, en science comme en actualité, que la vérité du jour ne soit pas toujours celle du lendemain pour peu que la méthode de recherche et de vérification soit rigoureuse.

 

Infobésité et fact checking

Quand il y a un trop plein d’information, on a coutume, dans les médias traditionnels, de parler d’infobésité. En l’espèce, la plateforme d’articles de médecine PubMed a compté plus de 16 000 articles sur la Covid-19 et plus de 4 000 autres se trouvent en prépublication. Du jamais vu, qui plus est dans un laps de temps si court.

Dans pareille situation, on comprend aisément qu’une faille soit possible chez l’éditeur, lui aussi, subitement tenté par la lumière. A l’instar des médias traditionnels où les ventes, le clic, et l’audimat, constituent des indices de confiance, les revues scientifiques sont attentives à leur “facteur d’impact” et “indice de citation” qui valent onction.

La fin, cependant, ne justifie pas les moyens. Et il est heureux que d’autres scientifiques aient rapidement mis au jour la supercherie agissant comme un service de vérification (pour ne pas employer le terme de fact-checking).

Au fond, cet épisode appelle chaque lecteur a toujours plus de vigilance. Lui aussi est invité à croiser ses sources pour nourrir sa pensée. Dans un univers envahi d’algorithmes dictant à chaque internaute ce qu’il doit lire, tout en lui donnant une illusion de liberté par une fausse gratuité (les moteurs de recherche et réseaux sociaux ne sont pas des fondations philanthropes mais se nourrissent de publicité), l’urgence reste à la culture d’un esprit critique dans le respect des opinions d’autrui.

Guillaume Mollaret

journaliste indépendant

Guillaume Mollaret est journaliste indépendant pour le Figaro, Challenges, Le Quotidien du médecin, l’Étudiant... Il anime également des forums et des conventions.

@newsdusud

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